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A quoi sert la réserve héréditaire de droit français ?


A quoi sert la réserve héréditaire de droit français ?

Novembre 2017

Deux enseignements complémentaires peuvent être tirés des deux arrêts essentiels de la Cour de cassation du 27 septembre dernier. Le premier suscite immédiatement tous les commentaires : une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français. La formule est remarquable et le principe affirmé haut et fort. Il ne semble même pas question de le pondérer d’un éventuel critère de proximité avec la France qui n’aurait pourtant pas été scandaleux (v. toutefois A. Meier-Bourdeau, supra p. 598). La réserve héréditaire de droit français n’a pas valeur de principe essentiel de droit français devant s’imposer dans l’ordre international. C’est une affaire entendue pour une décision attendue.

Le second enseignement est indirect et nous fait réfléchir, en creux, sur l’utilité de notre réserve héréditaire (v. égal. G. Kessler, ci-dessous). Tout en n’érigeant pas cette réserve elle-même en principe de droit essentiel, la Cour de cassation s’attache à l’une de ses fonctions supposées. Prise d’une sorte de remords, elle décide que, si l’application de la loi étrangère laissait des héritiers dans une situation de précarité économique ou de besoin, cela heurterait l’ordre public international français. On entend parfois que la réserve serait assimilée à la seule garantie d’un droit héréditaire, au minimum vital et que, comme une conséquence, si ce minimum existe dans la loi étrangère, la réserve de droit français n’aurait plus de rôle à jouer. Mais ce n’est pas ce que dit la Cour, qui décide de façon plus radicale de sélectionner autrement le principe essentiel applicable en l’espèce : la réserve non, le minimum vital oui. Précisément, la réserve de notre code civil est bien autre chose qu’un droit alimentaire fût-il justifié par la solidarité familiale. Le 108e congrès des notaires de France avait justement tenté de recenser les fondements et de définir l’utilité de la réserve de droit français, parfois contestée et décriée dans un monde en mutation. Il avait alors été relevé qu’elle donne au bénéficiaire qu’elle protège une liberté, en lui assurant une protection contre tout abus d’autorité parentale ; mais aussi que, par la contrainte, elle assure à chacun un rempart contre des pressions ou emportements affectifs ; mais encore qu’elle est l’expression d’une solidarité familiale active et privée entre les générations (on retrouve ici la fonction économique de la réserve) ; mais enfin qu’elle apporte à la société elle-même un effet régulateur et pacificateur qui finalement sert l’intérêt général autant que la liberté individuelle.

La réserve de droit français ainsi conçue remplit bien d’autres fonctions qu’une indispensable garantie contre le besoin ou la précarité. Et il est dès lors parfaitement admissible de lui refuser globalement le statut de principe essentiel de droit français ayant valeur de justice universelle. Elle est un instrument juridique autour duquel est organisé tout notre droit des successions et des libéralités, c’est-à-dire de la transmission. Le 27 septembre dernier, la Cour de cassation n’a pas imposé notre conception de la réserve, mais ne l’a pas fragilisée pour autant. Cela ne veut pas dire que cette réserve ne doit pas évoluer, dans son quantum notamment. Mais ceci est une autre histoire…

Bertrand SAVOURÉ

AJ Famille


Notaire

Bertrand SAVOURÉ - Althémis Paris

Bertrand SAVOURÉ

Paris

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